La lumière maçonnique en Lorraine ... - Page 4

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La Séparation des Eglises et de l'Etat

La construction du lycée de filles va donner l'occasion à l'Eglise et à sa Bonne presse de pactiser avec l'extrême droite antisémite de Nancy et son journal, le Petit Antijuif de l'Est, et à la Loge de distribuer plus de 10 000 tracts en faveur de cette œuvre laïque. Puis ce sera au tour de l'affaire dite des Fiches d'occuper le devant de la scène. Le Frère Léon Goulette, directeur de l'Est républicain, déjà en rupture de ban avec la Loge en raison de sa position dans l'affaire Dreyfus, va démissionner et livrer bataille contre Bernardin qu'il affuble du sobriquet d'ustensile. Ce dernier avait allégué, dans un premier temps pour sa défense, qu'il n'avait joué que le rôle de boîte à lettres.

Bernardin, alors juge de paix à Pont-à-Mousson va décrocher le crucifix qui ornait la salle d'audience et le remplacer par un buste de Marianne.

Après l'annexion, le gouvernement français avait interdit le Volksfreund, journal catholique de Strasbourg critiquant violemment la politique française, journal qu'un certain abbé Delsor avait assuré de sa sympathie. Delsor, à l'invitation du député nationaliste Corrards des Essarts, se rend le 7 janvier 1904 à Lunéville pour une conférence au Cercle catholique. La Loge va alors charger l'avocat franc-maçon Jean Grillon de mener l'enquête sur l'affaire et de démasquer l'abbé qui se présentait comme un député protestataire. Le préfet de Meurthe-et-Moselle, le Frère rémois Humbert, prendra alors un arrêté d'expulsion contre ce dernier qualifié en la circonstance de "citoyen allemand". C'est l'émeute du côté de la droite.

Mais la guerre que se mènent Eglise et Loge allumée par les lois scolaires du Frère déodatien Jules Ferry va trouver dans la politique combiste menant à la Séparation des églises et de l'Etat un terrain privilégié. Charles-François Turinaz, évêque de Nancy, a pour devise : "A genoux pour la prière, debout pour l'action". Il n'hésite pas à l'occasion à se lancer dans la mêlée, distribuant au passage un coup de poing en plein visage à un brigadier de police lors de son déménagement de la place Stanislas.

Lors des inventaires des églises prévus par la loi de Séparation, les incidents se multiplient. Chacun d'entre eux donne lieu à des affrontements et celui de la cathédrale se termine par le sac de la Loge de la rue Drouin. A la tête de jeunes catholiques, deux abbés vont en effet inventorier la Loge. Une semaine plus tard, l'ouvrier Schoumaker est tué par l'abbé Claude à Saint-Nicolas de Port d'une balle de revolver dans le dos. Il sera pourtant acquitté contre toute attente par la Cour d'assises de Nancy. Le journal Pour la République, fondé par la Loge, n'hésite pas alors à écrire : "Dans le sang d'un ouvrier fusillé par les vicaires, Turinaz s'est fait teindre une robe de cardinal" et à publier une caricature intitulée "La révolte noire". L'évêque portera cette affaire devant le tribunal et sera débouté.

On le voit, l'ensemble de ces combats porte la marque de ces fameux hussards noirs de la République, ces instituteurs qui contribuèrent à l'affermissement d'une laïcité si espérée.

L'Art Royal et l'éducation du genre humain

L'emprise d'un catholicisme d'ordre moral et sa puissante hostilité ont été à peu près réduites par les progrès du positivisme affiché par la plupart des tenants d'une Maçonnerie qualifiée d'Eglise de la République.

Henri Thiriet a su marier positivisme et symbolisme, Oswald Wirth hermétisme et République. Mais la dualité de l'inspiration spirituelle de la Maçonnerie contemporaine en Lorraine ira parfois jusqu'à la recherche d'une coïncidence des contraires dans l'unité de l'Art royal. Tandis que la Ligue de l'enseignement créée par Jean Macé continue à poursuivre et à symboliser l'Education du genre humain, une particulière floraison d'Ateliers supérieurs, avec leurs riches symboliques, fait de la Maçonnerie lorraine un foyer très vivant de pratique rituelle et de poursuite d'une recherche spirituelle.

Au Grand Orient sont venues se joindre d'autres obédiences, de la Grande Loge de France à la Grande Loge Féminine de France, de la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra à Memphis Misraïm, pour ne citer qu'elles et la mixité maçonnique a été réalisée au Droit Humain. Dans ses Temples restaurés, une Maçonnerie rajeunie, plus nombreuse et plus diverse, s'interroge : Comment traduire aujourd'hui dans la vie sociale les bienfaits de l'initiation ?