La lumière maçonnique en Lorraine, des Ducs sous l’acacia aux hussards noirs

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Voilà une vieille confrérie d'artisans, tailleurs de pierre, architectes, qui avait cessé d'être opérative pour se faire le foyer des idées nouvelles : dans l'Angleterre du XVIIIe siècle, elle marie les lumières du savoir aux bienfaits de la tolérance, opposée aux affrontements des guerres de religion.

Un Duc sous l'acacia et l'éclosion des Loges en Lorraine

La pratique des maçons se qualifie toujours un peu mystérieusement d'Art Royal. Ne serait-il pas désormais celui de se gouverner soi-même et d'orienter la société ? Apprentissage d'une royauté inédite, la franc-maçonnerie nous apparaît en Lorraine sous les traits d'un souverain : François III initié à la Haye en 1731 et qui bientôt quittera la Lorraine pour le Grand Duché de Toscane où il ouvrira les cachots avant de se retrouver empereur à Vienne sous le nom de François 1er. Il n'avait été qu'un de ces "Ducs sous l'acacia" - arbre emblématique d'une immortalité légendaire - qu'un historien a repérés à la fin de l'Ancien régime.

François de Lorraine bénéficie du grand jeu dynastique qui lui substitue à Nancy l'ancien Roi de Pologne Stanislas Leczinsky. Franc-maçon à son tour ? Rien ne le prouve. Pour l'anecdote, lorsque la place royale fut construite entre 1752 et 1755, c'est un Frère, le maréchal de Belle Isle qui tenta en vain de sauver le bastion d'Haussonville, condamné par l'Arc de Triomphe. Quant à la paix de ce refuge de l'esprit qu'offrit le château de Lunéville, elle ne fut guerre troublée par les querelles du jésuite Menoux et du futur initié Voltaire, ni même par les conflits relatifs aux célébrations funèbres, entre loges et curés désireux d'appliquer l'excommunication papale de 1738 aux francs-maçons défunts.

On vient de nous parler de l'Art royal ! Serait-ce précisément ce qualificatif de "royal" ou bien cette porte entr'ouverte sur un nouvel espace de liberté, de tolérance et de convivialité qui vont pousser nombre d'aristocrates et de grands bourgeois à se presser vers cette Lumière qu'étaient censées leur proposer les Loges, à s'affranchir le temps d'une Tenue du carcan social de l'Ancien régime ? Fort tropisme en tout cas puisqu'on va assister à une floraison de Loges en Lorraine, d'abord à Metz dès 1735 puis à Lunéville dès 1738. On ne saurait par ailleurs être trop prudent sur l'existence d'une Loge dans cette ville que tout laisse supposer mais que rien ne vient attester définitivement. Il faudra attendre 1762 pour assister à l'explosion du fait maçonnique à Nancy. De La Vraie Lumière à L'Auguste Fidélité, ce n'est pas moins de 10 loges civiles qui vont s'installer sur la Cité ducale en 24 ans. De toutes ces Loges, seules survivront à la tourmente révolutionnaire la Loge Saint-Louis Saint-Philippe de la Gloire qui viendra fusionner en 1805 avec la bonne vieille Loge Saint-Jean de Jérusalem aujourd'hui encore en activité.

En outre, l'Affaire de Nancy où mourut le lieutenant Desilles ne laissera rien subsister des 4 Loges militaires implantées sur la ville. Le Frère Louis Valentin, chirurgien militaire injustement méconnu des nancéiens, qui introduisit la vaccine de Jenner en Lorraine dès 1800, en fut l'une des victimes.

Toutes ces Loges dont certaines eurent une existence éphémère, ont eu cependant le temps d'attirer d'illustres personnages tel le célèbre physicien lorrain Philippe Vayringe - à qui l'on doit le terme de conducteur en électricité - dont l'appartenance à la Maçonnerie fait peu de doute et qui fut l'élève et le collaborateur de Désaguliers en 1721, l'une des figures emblématiques de l'Art royal, Le théoricien de la Grande Loge de Londres et de la Franc-Maçonnerie spéculative.

Citons rapidement sur Nancy quelques personnalités marquantes des Loges dont le docteur Bonfils qui créa une école libre de santé, Mandel fondateur d'une société de santé en 1798 et sur Metz le physicien Jean-François Pilâtre de Rozier, fondateur de l'Athénée royal, célèbre aéronaute qu'on retrouve à Nancy s'envolant des jardins de la Pépinière.