1940-1944 : La chasse aux maçons de Nancy

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Dans "Le Quotidien Dévoilé, l'Est Républicain, 1889-1989" aux éditions de l'Est, Olivier Prugneau, chargé de cours à Nancy 2 développe une analyse très précise de la ligne politique suivie par l'Echo de Nancy durant l'occupation. On y retrouve, dit-il, trois thèmes principaux correspondant à des périodes précises de la guerre :

  • dès 1940, une anglophobie exacerbée,

  • Après l'intervention allemande en URSS, un antibolchevisme forcené,

  • Sans oublier, bien sûr, l'antisémitisme le plus horrible.

Olivier Prugneau appelle ces trois grands axes politiques, les trois croisades de l'Echo de Nancy. Qu'il me permette d'en ajouter une quatrième : "La Chasse aux Franc-maçons". En effet, si la plupart des journaux de province se contentaient de reproduire parfois quelques noms de dignitaires régionaux parus au Journal Officiel, l'Echo de Nancy, lui, avait tout simplement officialisé l'information en créant le 19 août 1941, une rubrique intitulée "La Chasse aux Maçons", période de chasse sans fermeture où l'on tirait à vue. Le fait que l'étude très poussée faite sur l'Echo de Nancy à l'occasion du centenaire de l'Est Républicain ne mentionne pas cette haineuse volonté de nuire au même titre qu'une "anglophobie exacerbée", me semble quelque peu surprenant et injuste. J'ai tenté, en son temps, de réparer cette injustice.

Le 2 août 1940, prenant la place de l'Est Républicain qui venait de se saborder, paraissait, avenue Foch, le premier numéro de l'Echo de Nancy. Journal allemand, dirigé par des Allemands (le seul en France), il prône tout de suite une politique de collaboration totale. Deux hommes ont la main mise sur les rédacteurs et les journalistes : Franz Philipps, capitaine de la Wehrmacht qui en est le Directeur local et René Martin dit de Briey, écrivain local fascisant, le rédacteur en chef qui signera la plupart des éditoriaux. Comment va-t-il être accueilli par les Lorrains ? Prenant à son compte la zone de diffusion de l'Est Républicain (sensiblement celle d'aujourd'hui), il passera de 50 000 exemplaires au début du mois d'août 1940 à plus de 130 000 en juillet 1944. C'est qu'en effet, en plus des informations concernant le ravitaillement, le lecteur pouvait y retrouver informations sportives, municipales, artistiques, scolaires et bien d'autres. C'était, en fait, "le Grand Quotidien Régional de l'Est". Il coûtait un Franc.

Il le serait sans doute resté sans cette ignominieuse campagne lancée contre les Franc-maçons. Car, tronquer ou déformer les nouvelles du front où les troupes de la Wehrmacht ne faisaient, vous vous en doutez, que se replier en bon ordre sur des positions préparées à l'avance, n'était pas l'apanage de l'Echo de Nancy : tous les journaux qu'ils soient écrits, radiodiffusés ou en images (les Actualités d'alors) avaient adopté le même profil bas, censure oblige. Non, il lui fallait se distinguer et distiller, jour après jour, ses informations haineuses, empoisonnées et avilissantes mêlées à celles que nos concitoyens étaient en droit de connaître.

Pour découvrir et révéler l'infâme discours et les procédés odieux utilisés à cette époque pour annihiler et contraindre les Franc-maçons au reniement, j'ai dû parcourir, du 2 août 1940 au 30 septembre 1944, tous les Echo de Nancy parus d'abord sur 4 pages puis sur une 1/2 feuille recto-verso pour terminer à partir du 1er janvier 1944 par un format encore plus réduit (A3 recto-verso !)

Tâche ingrate, certes, mais terriblement enrichissante. Mes recherches m'ont amené à recenser un nombre important d'articles concernant la Franc-maçonnerie : en fait, 154, plus ou moins longs, plus ou moins virulents mais dont la moitié ont été rédigés uniquement durant l'année 1941.

J'aurais pu tenter d'analyser sur le fond la politique antimaçonnique de l'Echo de Nancy. Je laisse éventuellement ce travail aux historiens professionnels des loges. Je me contenterai de vous transmettre ce que nous avons appelé, mon épouse et moi, en compulsant ces feuilles déjà jaunies (et peut-être oubliées) d'un passé pourtant proche les "moments forts" de la Chasse aux Maçons à Nancy entre 1940 et 1944. J'ai donc choisi 18 des 154 articles relevés et je les livre à votre souvenir et à votre jugement.